Japon

Japon en France

L’influence du Code civil Français sur le Droit Civil Japonais

“II y a 87 ans, le Japon achevait une révolution sociale qui fit époque dans son histoire et lui permit d’être considéré pour la première fois comme une nation moderne. En même temps se faisait sentir la nécessité d’établir un ordre nouveau adapté à la société nouvelle. Et il était désirable que cet ordre fût clairement et exactement fixé dans le droit écrit. C’est alors que commença la relation intime entre le Oode civil français et le droit civil et la science de ce droit au Japon.

Il y avait deux raisons pour lesquelles il était souhaitable que le nouvel ordre fît l’objet d’un texte écrit.

Tout d’abord le Japon avait avant cette révolution conclu un traité commercial avec les pays occidentaux. Or, notre pays, qui avait rompu toutes relations avec les pays étrangers depuis plusieurs siècles, était en ce temps-là une société féodale où il était à peine permis d’introduire la médecine hollandaise. Par contre, les pays occidentaux, qui avaient sollicité l’établissement de relations avec le Japon, étaient déjà resplendissants de la splendeur qu’apportait la civilisation moderne. Aussi le traité avait-il été conclu dans une atmosphère de peur et de servilité de la part des Japonais et était-il désavantageux pour le Japon. Notre pays étant devenu une nation moderne, il était naturel que l’on voulût réviser ce traité sur un pied d’égalité. Cependant, pour abolir la juridiction extra-territoriale, il était nécessaire de manifester le fait que le Japon était devenu un pays civilisé ayant un ordre social tout à fait moderne. Ce pays avait eu déjà dans son passé une culture orientale supérieure, mais il n’avait jamais possédé un ordre moderne. Ainsi fallait-il établir un droit moderne.

D’autre part, dans la société féodale existant avant la révolution, les classes sociales se divisaient en vassaux, paysans, ouvriers et marchands, et la position des premiers était entièrement différente de celle des trois autres classes. Les vassaux et une partie des capitalistes prirent part à la révolution, mais le peuple se tint en dehors. Le principe qui mena la révolution fut l’établissement d’une nation unie sous l’empereur, mais le désir ardent de devenir une nation moderne — désir né du contact avec les pays étrangers — accéléra la révolution. Les classes disparurent et les restrictions féodales furent abolies. Ainsi fut réformé l’ordre social. Cependant le peuple ne pouvait pas comprendre ce nouvel ordre parce que les raisons de la révolution ne lui étaient pas apparues de façon assez nette et que, par conséquent, il n’avait été que le simple spectateur de ce bouleversement. Pour que le peuple menât une vie propre au nouvel ordre, il était nécessaire de lui montrer clairement cet ordre en légiférant à son sujet.

En 1870, trois ans après la révolution, le gouvernement commença la codification du droit civil. Pour la réaliser rapidement, il sembla commode de prendre comme modèles les droits civils des nations modernes et avancées. Or, la France était alors la seule puissance qui eût un droit moderne écrit, et elle se tenait bien à la tête de la civilisation moderne. Quant au droit anglais, il était difficile de le copier parce qu’il était non-écrit. Aussi le gouvernement décida-t-il de faire traduire le Code civil qui devait servir de base à l’élaboration du projet. La traduction fut confiée à Rinsho Mitsukuri, un savant qui avait vécu en France de 1866 à 1868 (Une partie de cette traduction du Code civil fut publiée pour 1» première fois en 1871). Bousquet fut nommé conseiller auprès du gouvernement japonais et vint au Japon, où il assista le gouvernement dans le travail de codification. Le projet fut achevé en avril 1878. Sans doute ne constituait-il qu’une traduction incomplète du Code civil, mais, en dépit de sa. détermination à devenir une nation moderne, il restait encore dans la société japonaise d’alors une forte tendance féodale, surtout dans l’esprit et les mœurs du peuple. Il était donc inévitable qu’on hésitât à adopter immédiatement comme code civil ce projet que l’on considérait comme une traduction du Code civil français fondé sur la liberté et l’égalité des individus. La rédaction d’un nouveau projet, tout à fait original, fut donc demandée par le gouvernement à Gustave Emile Boissonade, de l’Université de Paris, qui, en septembre 1873, avait commence ses fonctions de conseiller juridique du gouvernement. Le travail fut achevé en 1890, et l’on publia le projet rédigé en partie par Boissonade et en partie par les membres japonais de la commission.

Pour Ishimito Masao (Docteur en droit, Professeur a la Faculté de droit de l’Université d’Osaka). L’influence du Code civil français sur le droit civil japonais. In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 6 N°4. Octobre-décembre. pp. 744-752.


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